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Christophe Crampette
Christophe Crampette
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7 décembre 2008

Querelles artistiques

Ce texte est la réponse finale apportée à une querelle entre un administrateur de la fédération et un responsable d'école au sujet d'un spectacle auquel les enfants dont il avait la charge avaient assisté.

Je comprends tout à fait que chacun puisse exprimer des goûts et des préférences pour des propositions artistiques différentes. Il est tout à fait heureux d'ailleurs qu'il y ait des points de vue différents et des interprétations divergentes au sujet de productions artistiques.

L'art dans sa globalité a, au cours de l'histoire représenté différentes fonctions.

En peinture, il a souvent servi, en l'absence de la photographie, à représenter le réel, à illustrer son époque, puis il s'en est éloigné pour exprimer des sensibilités différentes voire représenter des opinions politiques, des points de vue sociaux ou des visions plus radicales du monde.
Le spectacle vivant a toujours occupé une place particulière dans le monde de l'art. Dès l'antiquité, les tragédies grecques ou les farces de Plaute proposent des visions critiques de la société plutôt qu'une représentation idéalisée et esthétique. Les acteurs grecs jouaient d'ailleurs bien souvent
nus. Molière a perpétué cet héritage en proposant des propos très incisifs sur la société qui lui était contemporaine.  Les grands tragédiens du siècle des Lumières, tout comme Shakespeare ne proposaient pas non plus particulièrement de propos à visée esthétique.

Ce n'est qu'au début du 20ème siècle, à travers une proposition artistique plus "divertissante" qu'ont commencé à se développer des formes plus légères de spectacle. Les cabarets parisiens, les théâtres de divertissement à Londres et les spectacles de Broadway avaient pour ambition principale de
divertir sans autre souci artistique qu'une approche globalement cohérente.
En s'appuyant sur ce modèle très efficace et d'un grand professionnalisme, le Cirque du Soleil a proposé un modèle de cirque dans la tradition de l'"Entertainment". D'une grande efficacité et sur un propos plutôt consensuel, il propose un modèle de représentation accessible au plus grand nombre.

D'autres, en France notamment, ont proposé un renouvellement des formes de représentation du cirque. S'appuyant sur un renouvellement des modèles de la représentation, ils se sont attachés à déstructurer, expérimenter voire aborder des propos radicalement différents : sujets politiques, sociaux, intimes.

La richesse du cirque d'aujourd'hui est de proposer une grande diversité de spectacles avec des partis pris différents : du spectacle de tradition à la forme très contemporaine, du divertissement aux spectacle plus intellectuel, nous avons la chance de pouvoir choisir parmi de nombreuses propositions.

L'un des devoirs de nos écoles de cirque est de proposer et d'initier nos pratiquants à ces différentes formes, de les préparer et les accompagner à assister à différents spectacles, leur permettre d'acquérir une culture et de développer un esprit critique.

Il n'est bien sur nullement question de demander à chacun d'apprécier ou d'aimer tous les spectacles auxquels il assiste, mais notre travail est d'aider les jeunes à comprendre et analyser les œuvres en essayant de mettre à l'écart son avis personnel, de leur permettre d'assister à différents spectacles. Nous devons les nourrir pour qu'ensuite ils soient capables d'initier leurs propres choix.

Certes, ce spectacle propose un parti pris particulier, mais il n'est nullement contre indiqué pour de jeunes adolescents, à la condition d'en parler ensuite avec eux sans les amener à un rejet de principe. Je ne demande à personne d'aimer ou de ne pas aimer, mais il faut dépasser cette vision purement esthétisante du spectacle, où la recherche du beau serait la forme ultime de l'accomplissement artistique. C'est une possibilité, souvent séduisante, mais il faut également respecter les autres formes d'expression qui peuvent être tout aussi intéressantes.

Le devoir de l'enseignant est d'ouvrir à la diversité et d'accompagner ses élèves dans leurs parcours artistiques. Il a bien entendu le droit de préférer telle ou telle forme, mais doit tenter de ne pas imposer ses choix à ses élèves.

Pour revenir au fond du problème, je ne pense pas que ce soit un spectacle particulièrement choquant ou séditieux. Il mérite certainement une explication, mais nullement un tel rejet. Quand à l'éducation nationale, je suis serein devant leur appréciation sur le sujet, les interlocuteurs que nous y connaissons sont particulièrement au fait du monde artistique contemporain. Nous sommes en l'occurrence bien loin de certains partis pris contemporains. Le metteur en scène n'est quand même pas Jan Fabre ! Et quand bien même, cette vision ne serait-elle alors pas digne d’intérêt ?

Au plaisir de vous lire.

jan_fabre_1

jan_fabre_2

 

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